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Projets législatifs sur la «petite reconnaissance» à Genève et Neuchâtel

Evolution de la législation sur la religion dans les cantons de Genève et de Neuchâtel.

Dans les cantons de Genève et de Neuchâtel, qui consacrent le principe de la séparation de l’Eglise et de l’Etat, les grandes Eglises ne jouissent pas d’un statut de droit public et, partant, sont régies par le droit privé. Or, on observe aujourd’hui dans ces deux cantons une évolution similaire de leurs législations respectives en matière de religion. Les deux gouvernements cantonaux ont soumis chacun de leur côté un projet législatif à leur parlement ayant pour but d’étendre aux autres communautés religieuses la reconnaissance officielle (appelée «petite reconnaissance») réservée jusqu’ici aux grandes Eglises.

Projet de loi sur la laïcité de l’Etat (Genève)

Aux termes du projet, les objectifs suivants seront visés au travers de la future loi sur la laïcité de l’Etat (LLE) proposée par le Conseil d’Etat genevois:

  1. promouvoir et protéger la liberté de conscience et de croyance;
  2. préserver la diversité et la paix religieuse;
  3. permettre aux organisations religieuses d’apporter leur contribution à la cohésion sociale;
  4. offrir un cadre approprié aux relations entre les autorités et les organisations religieuses.

Dans le projet législatif, le concept de la laïcité est énoncé en ces termes: «La laïcité de l’Etat se définit comme le principe de neutralité de l’Etat dans les affaires religieuses qui doit permettre de préserver la liberté de conscience et de croyance, de maintenir la paix religieuse et d’exclure toute discrimination fondée sur les convictions religieuses. Elle favorise la tolérance et le respect mutuel au sein de la société.»

Le texte du projet précise aussi les conditions que les communautés religieuses devraient satisfaire pour obtenir une reconnaissance officielle et la possibilité de percevoir des contributions volontaires. Parmi ces exigences figure la transparence concernant la provenance des fonds. Ainsi, ces communautés seraient tenues de révéler les montants versés par des personnes, des Etats ou des institutions dépassant de 5% le total de leurs recettes.

Comparativement à la législation actuelle, le projet présenté consacre une vision fondamentalement plus positive de la liberté religieuse. Il ne s’agit plus seulement du droit de se tenir à l’écart des communautés religieuses. Certains milieux attachés à une séparation beaucoup plus stricte entre l’Etat et la religion ont déjà émis des critiques et formulé des contre-propositions. Le parlement examinera le projet de loi en automne 2016.

Projet de loi sur la reconnaissance des communautés religieuses (Neuchâtel)

Le projet législatif neuchâtelois vise lui aussi à fixer les conditions que les communautés religieuses (au-delà des trois Eglises reconnues) devraient remplir pour obtenir une reconnaissance officielle. Les effets attachés à ce statut seraient les suivants:

  • possibilité de bénéficier d’un subventionnement de l’Etat,
  • exonération fiscale,
  • droit de percevoir des contributions volontaires auprès des membres de la communauté religieuse officiellement reconnue et de charger l’Etat de leur encaissement,
  • possibilité de participer activement à la vie publique, par exemple siéger au sein de commissions et de groupes de travail mais aussi être associé aux manifestations officielles et aux festivités,
  • droit d’utiliser les locaux scolaires pour l’enseignement religieux,
  • droit d’exercer des activités d’aumônerie dans les prisons et les hôpitaux, à l’instar de celui accordé aux trois Eglises reconnue par la constitution neuchâteloise. 

La «petite reconnaissance» s’impose progressivement dans l’ouest et le nord-ouest de la Suisse

Si l’on observe l’évolution du droit de la religion à l’échelon suisse, force est de constater que la «petite» reconnaissance, en d’autres termes la reconnaissance officielle n’impliquant pas l’octroi du droit de percevoir des impôts ecclésiastiques, est plus répandue dans l’ouest et le nord-ouest de la Suisse que dans le reste du pays. A Bâle-Ville, ce principe juridique fait déjà l’objet d’une application concrète, tandis qu’il représente une possibilité offerte par la constitution dans les cantons de Bâle-Campagne, Fribourg, Neuchâtel et Vaud. Dans ce dernier canton, la petite reconnaissance est réglée en détail par la loi. Si les projets législatifs genevois et neuchâtelois aboutissent, la Suisse romande confortera encore son avance dans le domaine de la reconnaissance des communautés religieuses.

Les raisons de ce décalage mériteraient d’être examinées de plus près. Sous l’angle de la sociologie religieuse, le phénomène s’explique par le fait que la laïcisation est plus avancée dans ces cantons que dans d’autres parties du pays.

Pour se forger une image de la situation régnant en matière de reconnaissance des communautés religieuses, on se reportera avec profit à l’étude de René Pahud de Mortanges intitulée «Staatliche Anerkennung von Religionsgemeinschaften: Zukunfts- oder Auslaufmodell?» (FVRR 31), Zurich 2015