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« Pas une Ferrari, mais... »

La Conférence centrale catholique romaine de Suisse (RKZ) moteur de changement dans l'Eglise

50 ans de la Conférence centrale : c'est ce que célèbrent aujourd'hui (25 mars 2022) les organisations ecclésiastiques cantonales avec les évêques suisses à Näfels GL. Un entretien avec la présidente Asal-Steger et le secrétaire général Kosch sur les traumatismes de l'histoire de la Conférence centrale, le processus synodal - et le baromètre actuel des sentiments de la RKZ-Conférence des évêques suisses.

Raphael Rauch journaliste à kath.ch

La Conférence centrale catholique romaine de Suisse (RKZ) est-elle un moteur de changement au sein de l'Eglise ?

Renata Asal-Steger* : Oui, même si le moteur a besoin de temps. Nous continuons à travailler sur certains thèmes avec persévérance. Pas à pas, nous avançons.

Daniel Kosch* : Nous ne sommes pas une Ferrari, mais nous avons déjà obtenu des résultats au niveau suisse, par exemple sur les questions de finances, de transparence, de gestion de l'Église. Et maintenant, nous sommes au cœur du débat sur la synodalité et le renouveau de l'Église. Les évêques ne peuvent pas résoudre les problèmes qu'ils ont créés par leurs propres moyens. C'est pourquoi notre jubilé est placé sous la devise « Ensemble. En avant ».

Asal-Steger : Nous nous sommes résolument engagés pour que les résultats du processus synodal soient également discutés au niveau national et que les évêques ne règlent pas cela entre eux. Nous avons pu convaincre les évêques : il y aura une assemblée synodale nationale fin mai. Cela nous motive à persévérer.

Quel signal doit sortir aujourd'hui de Näfels ?

Kosch : En fait, il était prévu : Nous pouvons aussi nous rencontrer sans souci avec les évêques et élargir notre horizon sur la vie "entre ciel et terre" avec le célèbre architecte Jacques Herzog et l'astronaute Claude Nicollier. Cela va dans le sens suivant : nous pouvons aussi parfois fêter quelque chose ensemble sans ordre du jour. Bien sûr, il y a maintenant un autre point de mire en raison de la guerre en Ukraine.

Asal-Steger : Presque tous les évêques viendront. C'est un signe d'estime. Et c'est un signe important que nous priions ensemble pour la paix en Ukraine.

Kosch : J'espère que cela ne se limitera pas à des prières. Il faut envoyer un signal clair : Nous sommes et restons solidaires, même si la vague de solidarité émotionnelle s'est calmée. Même si nous pouvons moins chauffer nos appartements l'hiver prochain, ce n'est pas une raison pour abandonner les sanctions ou pour faire preuve de froideur à l'égard des personnes en fuite. 

50 ans de la Conférence centrale : en êtes-vous fier ?

Asal-Steger : Tout à fait ! Il n'y a pas si longtemps que Schwyz, la dernière Eglise cantonale restante, a rejoint la Conférence centrale. Et nous avons un accord de collaboration avec la Conférence des évêques. Même si l'ensemble suscite toujours des discussions : Nous sommes sur la bonne voie.

Pourquoi la Conférence centrale est-elle nécessaire ?

Asal-Steger : L'Eglise n'a pas seulement au niveau local ou cantonal mais aussi à l'échelon national. Des questions similaires se posent en de nombreux endroits.

Quelle est l'image que la Conférence centrale a d'elle-même après 50 ans ?

Asal-Steger : Nous sommes l'organisation faîtière des organisations ecclésiastiques cantonales et l'interlocuteur de la Conférence des évêques suisses. Et nous sommes de plus en plus perçus comme la voix des laïcs et confrontés à des questions qui sont de nature sociétale. Je pense par exemple à l'initiative sur la responsabilité des multinationales. Pour de telles questions politiques, nous n'avons pas de mandat à proprement parler. Nous sommes ici confrontés à la question suivante : voulons-nous élargir notre domaine de compétences afin de pouvoir nous positionner plus fortement sur les questions concernant l'ensemble de la société ? C'est une question dont nous devons débattre.

Quelle est une difficulté fondamentale de la Conférence centrale ?

Kosch : Nous ne pouvons rien prescrire à personne - ni aux évêques de nous soutenir dans un agenda de réformes. Nous ne pouvons pas non plus imposer des directives à nos membres. Nous devons convaincre tout le monde. C'est très fatigant. Et par conséquent, nous ne sommes pas très rapides.

Sur quels chantiers êtes-vous en train de travailler ?

Kosch : Nous avons procédé à la dernière grande rénovation des structures de la Conférence centrale il y a 15 ans. Nous nous sommes dotés de différentes commissions pour les finances, le droit public ecclésiastique ou la communication. Le domaine de la communication prend de l'importance, nous devons devenir plus visibles et plus rapides.

La voix des laïcs - quelle devrait être leur limite ?

Kosch : Le système dual ne permet pas aux organisations ecclésiastiques de s'immiscer partout. Nous ne pourrions pas commencer à créer de nouvelles professions ecclésiales ou à organiser différemment l'onction des malades. Cette zone de tension restera, car de nombreuses personnes veulent des réformes et exigent d'avoir leur mot à dire. Les résultats des diocèses au processus synodal le montrent clairement, parfois avec une impatience considérable.

La Conférence des évêques a du mal à parler d'une seule voix à l'échelon national. Comment voyez-vous cela par rapport à la Conférence centrale ?

Kosch : Ce ne sont pas tant les différences idéologiques qui nous paralysent. Mais à proprement parler, le système dual avec des communes ecclésiastiques fortes ne caractérise que les diocèses de Bâle, Coire et Saint-Gall sur l'ensemble du territoire - auxquels s'ajoute encore le canton de Fribourg. Au Tessin et en Valais, il n'y a pas d’organisations ecclésiastiques, ce sont les diocèses qui décident qui ils envoient à la Conférence centrale. Et les Eglises des cantons de Neuchâtel et de Genève sont organisées sous forme d'associations de droit privé. La Conférence centrale se compose donc de grands et de petits membres, de membres riches et de membres financièrement plus faibles, avec des structures différentes. Le fait que nous parvenions malgré tout à des décisions consensuelles est déjà une source de fierté pour moi.

Est-ce que cela correspond à l'image que la Conférence centrale se fait d'elle-même d'avoir des membres désignés par les évêques ?

Kosch : Nos statuts le prévoient ainsi. S'il n'y a pas de corporations de droit public ecclésiastique dans les cantons du Valais et du Tessin, cela doit être respecté. Cela fait aussi partie de notre démocratie fédéraliste. Et jusqu'à présent, les évêques de Lugano et de Sion n'ont jamais exercé d'influence sur le cours de la Conférence centrale par le biais de leurs délégués.

Quels sont les points faibles du système dual ?

Kosch : Il y a deux grands traumatismes : la nomination de Wolfgang Haas comme évêque auxiliaire de Coire avec droit de succession. Et le cas de Röschenz, où la paroisse voulait garder un prêtre auquel l'évêque de l'époque, Mgr Kurt Koch, avait retiré la missio. En tant que Conférence centrale, nous avons réagi à ce cas et élaboré des recommandations sur la manière de procéder dans des conflits difficiles de personnes. Ce sont notamment ces deux événements qui ont conduit la Conférence des évêques à élaborer, avec la participation du Vatican, un "vade-mecum" visant à réduire le rôle des organisations ecclésiastiques à des questions financières et administratives.

Asal-Steger : "Une telle conception du système dual n'est pas acceptable pour nous. Nous sommes tous baptisés et voulons assumer notre responsabilité en tant que chrétiens et chrétiennes. Dès lors, il n'est pas acceptable que les évêques définissent unilatéralement ce qui est considéré comme une tâche pastorale - et que les autorités de droit public ecclésiastique se contentent de mettre les finances à disposition.

Des conflits entre la pastorale et les organisations ecclésiastiques ... surgissent constamment.

Kosch : Il y aura toujours des cas où l'évêque ou la direction de la paroisse voudra autre chose que le conseil de paroisse ou bien lorsque des tensions liées à des questions de personnes surgissent. Au sein de la Commission du droit public ecclésiastique, nous sommes en train de travailler sur ce thème et de développer des propositions sur la manière dont des règlements à l'amiable pourraient se présenter.

Comment décririez-vous le baromètre actuel des relations RKZ - Conférence des évêques romands ?

Kosch : Nous sommes sur la bonne voie.

Considérez-vous le processus synodal comme un cadeau d'anniversaire non officiel du pape François à la Conférence centrale ? Le processus synodal doit rendre l'Eglise plus synodale…

Asal-Steger : Si le processus synodal conduit vraiment à des changements, alors peut-être. C'est là que nous ferons entendre notre voix encore plus fortement à l'avenir.

Kosch : Nous devons faire la différence entre synodalité et système dual - bien que cela ne puisse pas être discuté séparément en Suisse. La véritable synodalité va beaucoup plus loin que le système dual. Peut-être avons-nous reçu du pape François une sorte de boîte de Lego et il n'est pas encore tout à fait clair si nous allons simplement jouer avec ces pièces de Lego, les déplacer dans tous les sens. Ou si nous réussirons à construire quelque chose ensemble et à dire que quelque chose de nouveau est en train de naître. En ce qui concerne les réformes structurelles et les droits de codécision de tous les baptisés, qui sont indispensables à une Eglise synodale, je perçois jusqu'ici une grande réserve de la part du pape François.

Outre les sorties d'Eglise et la question de l'impôt ecclésiastique pour les personnes morales, à quels défis la Conférence centrale est-elle confrontée ?

Asal-Steger : Lors de la remise du prix Herbert Haag, Doris Reisinger a mis en évidence le fait que nous ne pouvons pas faire l'économie de réformes structurelles fondamentales au sein de l'Eglise. Les petits pas ne suffisent pas. C'est surtout la manière dont l'Eglise gère le pouvoir qui doit changer fondamentalement.

Kosch : Un autre défi est le suivant : comment proposons-nous aux communautés de migrants et aux paroisses une pastorale interculturelle - et comment mieux intégrer les personnes issues de l'immigration dans le système dual ? Certains ne s'intéressent guère au système dual - l'essentiel est que leur prêtre soit payé. C'est un problème pour nos structures démocratiques.

Et nous devons réfléchir davantage à l'individualisation de la religion. Si la religion n'est plus vécue que de manière privée et individuelle, c'est un problème pour la pastorale, mais aussi pour nous. Nous devrions tout faire pour encourager la démocratie et la participation.

Qu'est-ce qui vous motive ?

Asal-Steger : Claudia Lücking-Michel a dit lors du RKZ-Fokus à Berne que le processus synodal doit être plus qu'une simple thérapie par le dialogue, car tout se joue maintenant. Nous restons sur le chemin- certes à petits pas, mais ensemble. C'est ce qui me motive.

* Renata Asal-Steger est présidente du Synode de l'Eglise catholique dans le canton de Lucerne (= organisations ecclésiastique dans le canton de Lucerne) et présidente de la Conférence centrale catholique romaine, qui regroupe les organisations ecclésiastiques cantonales.

* Daniel Kosch est secrétaire général de la Conférence centrale catholique romaine de Suisse.